Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
20 mars 2013 3 20 /03 /mars /2013 00:00

Le Printemps

Narcisses


Merl', v'là l' Printemps ! Ah salop'rie,
V'là l' monde enquier qu'est aux z'abois
Et v'là t'y pas c'te putain d' Vie
Qu'a r'biffe au truc encore eun' fois !

La Natur' s'achète eun' jeunesse,
A s' déguise en vert et en bleu,
A fait sa poire et sa princesse,
A m' fait tarter, moi, qui m' fais vieux.

Ohé ! ohé ! saison fleurie,
Comme y doit fair' neuf en forêt !
V'là l' mois d' beauté, ohé Marie !
V'là l' temps d'aimer, à c' qu'y paraît !

Amour ! Lilas ! Cresson d' fontaine,
Les palpitants guinch'nt en pantins,
Et d' Montmertre à l'av'nue du Maine
Ça trouillott', du côté d' Pantin !

V'là les poèt's qui pinc'nt leur lyre
(Malgré qu'y n'aient rien dans l' fusil),
V'là les Parigots en délire
Pass' qu'y pouss' trois branch's de persil !

L'est fini, l' temps des z'engelures,
Des taup's a sort'nt avec des p'lures
Dans de l'arc-en-ciel agencées
De tous les tons, de tous les styles ;

Du bleu, du ros', tout's les couleurs
Et ça fait croir' qu'à sont des fleurs
Dont la coroll' s'rait renversée
Et balad'rait su' ses pistils.

Jehan RICTUS

Les Soliloques du pauvres, in Œuvres complètes, La Part Commune, 2012

 

Photo Maïette

Partager cet article
Repost0
8 février 2013 5 08 /02 /février /2013 00:00

Dans ma poche...
Trois courts poèmes d'enfants (dans l'ordre : Romina, Aurore et Clémence – 6 / 7 ans) écrits à partir de l'amorce Dans ma poche, il y a...


« On peut regretter que l'enseignant n'ait pas substitué la grenadine à l'apéritif anisé. Je dois néanmoins reconnaître qu'il a engagé avec ses jeunes élèves, une réflexion sur les méfaits de l'alcoolisation.» (M.J., IEN)
Dans ma poche...
Dans ma poche...

Partager cet article
Repost0
20 janvier 2013 7 20 /01 /janvier /2013 00:00

Une chanson de Chauvin, oubliée sur les rayons de la BNF.

Et si une interprète la mettait à son répertoire ?

 

L'amoureux sergent

Mes chers parents ne plurez plus,
Je raviens de la guerre :
Dupuis que je n'vous ai pas vus
J'ai eu mon sort propospère,
Je suis borgne... mais j'suis sergent,
Un œil c'est assez suffisant ;
Ous qu'est celle qu'elle a mon cœur  
Que je lui fasse son bonheur ? (bis)

L'Aile de l'ange
           L'Aile de l'ange, 2006
           24 x 19,5 cm, collages et acrylique sur toile

Toujours sincère à mes amours
Après bien des tempêtres
Mé voici, pour couler mes jours,
Aveucque mes ancêtres,
Je suis manchot... mais j'suis sergent.
Un bras c'est assez suffisant...
Ous qu'est celle qu'elle a mon cœur  
Que je lui fasse son bonheur ? (bis)


N'en a qui n'ont ben du malheur !!!
Dans l'état mélitaire,
Moi, j'ai toujours été vainqueur,
En amour comme en guerre.
J'ai pus qu'un pié... mais j'suis sergent,
Un pié c'est assez suffisant...
Ous qu'est celle qu'elle a mon cœur  
Que je lui fasse son bonheur ? (bis)

Quoique jé soie dépareillé,
Je mé porte à merveille
J'ai pus qu'un œil, qu'un bras, qu'un pié,
Mais j'ai mes deux oreilles,...
Deux oreill' et l'grade d'sergent,
En ménag' c'est ben suffisant...
Ous qu'est celle qu'elle a mon cœur  
Que je lui fasse son bonheur ? (bis)

Un coup que j'va t'êt' marié
À l'objet dé ma flamme,
L'on va m'appeler la moitié
Dé ma charmante femme ;
J'suis invalid'... mais j'suis sergent ;
C'qui m' reste est assez suffisant...
Ous qu'est celle qu'elle a mon cœur  
Que je lui fasse son bonheur ? (bis)

 

 

Œuvres poétiques de Chauvin, trois romances militaires, Paris, 1825 (gallica.bnf.fr)

Partager cet article
Repost0
19 janvier 2013 6 19 /01 /janvier /2013 00:00

Jacques BrémondRimer vin et divin, c'est de la petite bière pour le poète, mais rimer vin et chauvin ? Faut être Poitevin. Chauvin l'a fait dans une chanson* où il narre comment il drague conte fleurette à une demoiselle, l'invite à partager un plat de tripes à la mode de Caen...

Pourroit-on, mademoiselle,
Savoir votre petit nom ?...
— Je mé nomme Janneton...
Et vous... ment qu'l'on vous appelle ?
Moi... je m'appelle Chauvin,
Mon nom rime avec du vin...
C'canembourg la fit surire.

Nous aussi. Il l'entraîne à l'écart dans un bosquet, elle est un peu barbouillée, et voilà...

Finalement dé la belle,
Le mal de coeur abouttit
Qu'il en eut plein son habit...

C'est pas un petit rendu de rien qui va gâcher la vesprée, ça non...

Il l'embrasse tendrement

En lui soutenant la tête,
Car, en fait dé sentiment
Il est très entréprenant...

et depuis ce jour, le grand amour dure.

 

* Œuvres poétiques de Chauvin, trois romances militaires, Paris, 1825 (gallica.bnf.fr)
Je ne sais rien de ce Chauvin, il n'est peut-être pas plus Poitevin qu'Angevin. Je mets de côté pour demain, un poème qui ne mérite pas que je le moque.

** En illustration, l'enveloppe du dernier envoi de Jacques Brémond. Le magnifique Propos de vieilles femmes, de Monique Domergue. En voici les premiers mots :

« C'était en Catalogne, au bord de la fontaine. Deux femmes lavaient. Dans l'accomplissement des gestes quotidiens, la vieille contait à la plus jeune ce que celle-ci savait déjà.

Elle avait posé sa voix sur la pierre de l'évier et la parole coulait comme l'eau vive, mince filet inlassable et atone. [...]»

S'il n'y a qu'un livre de poésie à acheter ce mois-ci...

Partager cet article
Repost0
4 décembre 2012 2 04 /12 /décembre /2012 00:00

Samedi dernier, au cours de la soirée Moules / Frites & Poésie qui réunissait les ami-es et soutiens du Printemps de Durcet, Jean-Claude Touzeil a évoqué la condamnation à perpétuité du poète qatari Mohammed Al-Ajami, alias Ibn Al-Dhib.* Peut-être Jean-Claude s'en fera-t-il l'écho sur son blog.

J'ai choisi un texte de Jean Sénac, autre poète victime de ses mots.

 

chenilleN7012.jpg

 

J'ai osé parler...

                    Parler de soi est comme une indécence...
                                                       Henri Alleg

J'ai osé parler !
J'ai osé te saluer, soleil !
Mon cœur, j'ai osé vivre au rythme de ta joie !
Le cri des torturés n'a pas brisé ma tête !

Ô injustice du monde !
Nuits sur toute la surface du corps !
J'ai osé dans l'exil nommer votre souffrance !

Ô frères !
J'ai vécu de votre dignité.
Vous nous avez rendu quelques mots habitables.

Jean Sénac


Diwân de l'état-major (1954-1957) in Œuvres poétiques, Actes sud, 1999

 

 

* Journal Le Monde.

Partager cet article
Repost0
15 août 2012 3 15 /08 /août /2012 23:00

On connaît l'anax imperator* ou la libellula depressa, moins la rare et lumineuse libellula divina tozella**.
De même, on connaît le compositeur, moins le poète.


    LA LIBELLULE

Près de l'étang, sur la prêle
Vole, agaçant le désir,
La Libellule au corps frêle
Qu'on voudrait en vain saisir.

libellula tozellaEst-ce une chimère, un rêve
Que traverse un rayon d'or ?
Tout à coup elle fait trêve
À son lumineux essor.

Elle part, elle se pose,
Apparaît dans un éclair
Et fuit, dédaignant la rose
Pour le lotus froid et clair.

À la fois puissante et libre,
Sœur du vent, fille du ciel,
Son aile frissonne et vibre
Comme le luth d'Ariel.

Fugitive, transparente,
Faite d'azur et de nuit,
Elle semble une âme errante
Sur l'eau qui dans l'ombre luit.

Radieuse elle se joue
Sur les lotus entr'ouverts,
Comme un baiser sur la joue
De la Naïade aux yeux verts.

Que cherche-t-elle ? une proie.
Sa devise est cruauté.
Le carnage met en joie
Son implacable beauté.


Camille Saint-Saëns, Rimes familières, Paris, 1890



* Sur ce blog, avec J(l')B, une histoire dont vous êtes le héros.

** Illustration : libellula divina tozella, au cours de sa parade amoureuse. « Faut r'connaître que ça en jette !» (la voisine).


Partager cet article
Repost0
9 mai 2012 3 09 /05 /mai /2012 23:00

Chaque jour, sur son blog, Minik Do égrène ses pensées sauvages.
– Les pensées domestiques aussi. Il lui arrive même de me choisir comme sujet, nous confie sa chatte. Ça commence dans l'odeur du café fumant*, puis le regard se porte vers la fenêtre. Il y a toujours un pinson, une mésange, une feuille morte pour l'intéresser.
À le lire, on suit ses parcours dans sa ville. Nez au ciel pour déchiffrer l'écriture des nuages ou des avions. Nez dans le caniveau pour un dernier hommage aux confettis. Œil sur le reflet d'une vitrine, le remou d'un plan d'eau, une araignée, un seneçon. Oreille qui recueille des confidences dans un café...
Tous les sens en éveil. Doigt sur le déclencheur du Kodaque. La photo éclaire – ou non – le poème.

La forme est brève. On parle de haïku. Ce n'est pas un gros mot**.

Pour sa collection Choisi, Jacques Renou en a retenu une soixantaine qu'il a amoureusement imprimés en typographie sur un beau papier. Les fines linogravures de Thierry Gaudin jouent en contrepoint des poèmes.

J'ajoute que l'ami Jean-Claude Touzeil ouvre le portfolio.
Le passage de l'écran au papier, du caractère calibré du logiciel au caractère de plomb, de la photo à la linogravure... nous font redécouvrir l'univers de Dominique Borée***.

Et, sans parler de la subtile odeur de l'encre, ceci a quelque chose de réjouissant.

 

Calendrier

Photo Jacques Renou      

 

Dominique BORÉE, Calendrier
Portfolio composé en caractères mobiles en plomb
Tirage limité à 55 exemplaires signés. 32 pages.
15 linogravures originales de Thierry Gaudin.
Avant-lire de Jean-Claude Touzeil, après-lire de Jacques Renou.
+ un petit bonus de Thierry Gaudin.

 

Disponible à l'Atelier de Groutel, 25 Groutel, 72610 CHAMPFLEUR.

18 € + port 1 €. Chèque à l'ordre de l'Atelier de Groutel.



* Pour un haïku fumant !

** Prononcé par un japonais (source : forvo.com)

*** C'est aussi la fin de l'anonymat !

Partager cet article
Repost0
4 mai 2012 5 04 /05 /mai /2012 00:39

Sansonnets

 

Si Boris Vian avait connu les Cent sonnets de René Agnès, nul doute que celui-ci l'eût ravi :

 

 

À PROPOS DE LA CIGARETTE
fumée par Mme X***, après notre déjeûner à Pontlevoy
du 3 octobre 1872


Après le déjeûner, Madame... est guillerette,
Non pas qu'un doux nectar ait produit cet effet :
Elle fume avec nous la fine cigarette,
Et sa gaîté provient de ce brillant haut fait.

Elle embellit par lui notre petite fête.
Ce serait bien à tort d'en cacher le secret ;
Puisqu'à nous, au contraire, elle a su tenir tête,
Décernons-lui céans un glorieux brevet.

De sa bouche divine une blanche fumée,
En tourbillons légers s'échappe parfumée.
Notre œil ravi la voit voltiger dans les airs.

TERCET DÉDICATOIRE.

Madame, gloire à vous ! à vous honneur suprême !
Vous le méritez bien. Je me dois à moi-même,
En chantant vos exploits, de vous offrir ces vers.

Pontlevoy, 3 octobre 1872.



Source : gallica.bnf.fr


Partager cet article
Repost0
28 avril 2012 6 28 /04 /avril /2012 23:00

Le dimanche, c'est poésie.

 

Contre Labienus


Quand nous te demandons pourquoi
La pincette, à chaque semaine,
S’occupe à dépiler chez toi
Le sein, le bras, la cuisse, l’aisne ;
Guy, c’est, à ce que tu nous dis,
Le soin de plaire à ta Philis
Qui t’inspire cette manière.
Nous le voulons croire ; mais, Guy,
Apprends-nous en faveur de qui.
Tu fais dépiler ton derrière ?

La Monnaie, à l'imitation de Martial

bonnetsapoil.jpg

Source illustration : les Bonnets à poil ; BNF

 

Partager cet article
Repost0
24 février 2012 5 24 /02 /février /2012 00:00

« La maison d’arrêt est composée de cellules de 12 mètres carrés où cohabitent jusqu’à six personnes alors que, selon les normes définies par l’administration pénitentiaire, il ne devrait pas y en avoir plus de deux. Chaque cellule comporte trois lits superposés d’un côté, deux lits superposés de l’autre côté et souvent, entre les deux rangées de lits, un matelas posé à même un sol crasseux et humide où circulent des rats et des cafards.»

 

On dirait du Albert Londres, c'est du Journal officiel*Carré de l'hypothalamus

Pour respirer, ce poème de Guy Lévis Mano, typographe et poète**.

 

Peupler la prison


Il était le juge. Les cinq geôliers amenèrent le prisonnier. Le juge regarda les yeux affamés du prisonnier. Il y vit des fleuves, des prairies, des coteaux, quelques fleurs, et aussi des oiseaux qui les parsemaient. Puis il regarda les yeux gris des geôliers. Il n'y vit que des judas, des serrures séparées de leurs clefs, et des murailles. Le juge parla : Que le prisonnier s'en aille récupérer son fleuve, sa plaine et ses oiseaux. Il suffit de geôliers pour peupler la prison.

 

 

 

* Journal officiel du 6 décembre 2011, article 72, Recommandations du Contrôleur général des lieux de privation de liberté prises en application du deuxième alinéa de l'article 9 de la loi du 30 octobre 2007 et relatives au centre pénitentiaire de Nouméa (Nouvelle-Calédonie)

** Guy Lévis Mano, Loger la source, éditions Folle Avoine, 2007.

Partager cet article
Repost0