15 août 2012
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On connaît l'anax imperator* ou la libellula depressa, moins la rare et lumineuse libellula divina tozella**.
De même, on connaît le compositeur, moins le poète.
LA LIBELLULE
Près de l'étang, sur la prêle
Vole, agaçant le désir,
La Libellule au corps frêle
Qu'on voudrait en vain saisir.

Que traverse un rayon d'or ?
Tout à coup elle fait trêve
À son lumineux essor.
Elle part, elle se pose,
Apparaît dans un éclair
Et fuit, dédaignant la rose
Pour le lotus froid et clair.
À la fois puissante et libre,
Sœur du vent, fille du ciel,
Son aile frissonne et vibre
Comme le luth d'Ariel.
Fugitive, transparente,
Faite d'azur et de nuit,
Elle semble une âme errante
Sur l'eau qui dans l'ombre luit.
Radieuse elle se joue
Sur les lotus entr'ouverts,
Comme un baiser sur la joue
De la Naïade aux yeux verts.
Que cherche-t-elle ? une proie.
Sa devise est cruauté.
Le carnage met en joie
Son implacable beauté.
Camille Saint-Saëns, Rimes familières, Paris, 1890
* Sur ce blog, avec J(l')B, une histoire dont vous êtes le héros.
** Illustration : libellula divina tozella, au cours de sa parade amoureuse. « Faut r'connaître que ça en jette !» (la voisine).