Un jour, je raconterai l'histoire d'un chaton né de père inconnu. Tout noir hormis une petite virgule blanche sur la gorge. Un mardi pluvieux d'octobre, n'ayant plus rien dans sa gamelle, il enfila l'escalier, franchit la porte de la chambre*, fit le tour des meubles, délaissa la chaise et le guéridon, avisa le pied du lit auquel il s'attaqua. Pied de lit verni acajou.
S'il avait les canines assez solides pour entamer le bois, son petit estomac n'apprécia pas le vernis cellulosique. Et il vomit tout son rendu sur la moquette.
– Chéri ! Voudrais-tu, avant de rentrer**, acheter du vinaigre blanc, des croquettes pour Gaspard – le chaton s'appelle Gaspard en hommage à la comtesse de Ségur*** – des sacs poubelles et un pied de lit verni acajou.
* La chambre est à l'étage, la cuisine au rez-de-chaussée, les toilettes au fond du couloir. À gauche ou à droite ? Je ne me souviens plus, je n'ai pas eu besoin.
** Comme si cette précision était utile à la compréhension du récit.
*** On se demande bien pourquoi.