Maison à l'abandon – Piacé – juin 2014
Maison à l'abandon – Piacé – juin 2014
Kévin Musset ignorait sans doute que "phalène" est un nom féminin ! nous dit Flora dans son commentaire d'hier.
– Ah ça mais... j'use de ma licence, réplique Alfred – oui Kévin se prénommait le plus souvent Alphonse ou Alfred* – , et j'en connais un autre, sans vouloir dénoncer...
– Si c'est celui à qui je pense... il a tort. Hugo a tort, assure Émile dans son Littré.
– Hugo ? Le Victor Hugo ? Faut que je vois ça, me dis-je.
Je vois. Et là... le Victor, il fait fort. Tantôt masculin, tantôt féminin. Comme ça l'arrange. D'avoir eu sa photo sur un billet de banque, ça permet toutes les libertés. Je cite :
Si j'avais, ô Madeleine, / L'œil du nocturne phalène (Ballades)
Les vices, ces taupes funèbres, / Le crime, ce phalène errant (Les Contemplations)
Les ténèbres, l'horreur, le spectre et le phalène (Les Contemplations)
grandes phalènes de ces lanternes géantes (L'homme qui rit)
La phalène y va. Dans quelle mesure est-elle responsable ? Le regard du feu fascine la phalène de même que le regard du serpent fascine l'oiseau. Que la phalène et l'oiseau n'aillent point là, cela leur est-il possible ? (L'homme qui rit)
Noël Parfait, un copain du Victor, lui écrit :
Nous nous occupons, nous autres, de savoir si le substantif phalène est masculin, féminin ou neutre ; si l'adjectif insondable est de ceux qui ne perdent rien à être répétés ; etc., etc.
C'est qui ce nous autres. Robert ?
Si c'est Robert**, il fait la synthèse :
PHALÈNE. n.f. (ACAD., LITTRÉ) ou n.m. (HATZFELD et de nombreux écrivains ; 1568 ; empr. gr. phalaina). [...]
Et donne en citation, Musset ("Le phalène doré, dans sa course légère, / Traverse les prés embaumés") et Colette ("L'aile d'un phalène grésille sur la flamme de la lampe et l'éteint presque.")
Merci Robert.
Avec un peu de chance, on aura peut-être une photo du phalène sur Taloupes ou le vol de la phalène dans un haïku des Pensées sauvages.
En attendant, ce vol de phalène (en bas, àdroite) dans la nuit.
* Si en plus, on nous embrouille ! (Julos Beaucarne)
** Le Robert, Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, 1973.
Nichoir à Piacé – 06.2014
Chaque année, à Piacé après les foins, la Quinzaine radieuse attire l'attention sur l'art contemporain. Mathieu Mercier a installé dans le village son Commissariat pour les arbres, exposition d'une centaine de nichoirs d'artistes.
Cette boule à facettes est un rendez-vous d'oiseaux de nuit(s) et de phalènes dorés.
– De phalènes dorés ? Tiens... Pourquoi ?
– Pour deux vers de Musset qui ne badinait pas : Le phalène doré, dans sa course légère, / Traverse les prés embaumés.
Afin d'illustrer un récit d'Étienne Ribaucour*, j'ai ouvert un manuel destiné au cours élémentaire – prenez votre respiration – : Les Sciences physiques et naturelles apprises par l'image, l'observation, l'expérience (Hygiène, Animaux, Leçons de choses) par M. Lacabe-Plasteig**, inspecteur de l'enseignement primaire de la Seine, avec la collaboration de M. Ramé, instituteur.
En plus d'un schéma d'appareil digestif recherché, voici un squelette annoté par un lecteur anonyme. Pas beau : le propos est mesuré, aujourd'hui un insolent aurait écrit : Crâne pas, t'es chauve.
* Sur le site de l'Iresuthe, je vous invite à lire l'Appendice, le court récit d'Étienne Ribaucour. Jules Renard n'est pas loin.
** On doit à A. Lacabe-Plasteig Les Conseils du Père Boitrop (1902)
Fourchette à ramasser à la petite cuiller.
– Hum !
– Gardez vos lazzi, gens de Béotie. Cet objet en métal, mis ici sous blister, a séjourné près d'un demi-siècle dans la terre du jardin avant de réapparaître. Édenté. J'émets l'hypothèse qu'il pouvait s'agir d'une fourchette. Elle méritait bien que j'en fisse un œuvre d'art.
– Hum !
Fourchette à ramasser à la petite cuiller, 2014, objet blistérieux, hauteur :27 cm
Grand amateur de roman policier et accessoirement de poésie, oncle Pa ajoute une pièce à État de chaises*.
Causons franglais – of course, naturellement – pour en apprécier la finesse.
Qui l’eût cru ?
James Hadley Chase
est bien l’auteur
du roman policier
La Chair de l’orchidée.
S'il n'avait été devancé par Conan Doyle, nul doute que James Hadley Chase aurait créé le personnage de Sherlock Holmes – dessin d'Yves Marevéry, ci-contre (source : gallica.bnf.fr)
* Disponible chez l'éditeur, l'auteur ou chez M. Meuble.
Jean-Pierre H. Tétart, auteur, collaborateur de l'Iresuthe et ami, est mort dimanche. Le billet suivant lui avait été consacré en fin d'année 2009.
Quand Jean-Pierre H. Tétart* envoie ses vœux, c'est le Rêve de Dieu. Dire s'il fréquente les plus grands.
Inspiré de son texte, un des derniers dessins de l'année.
Alors que Dieu rêvait, « la Femme engendrée par son Esprit obscur s’était détachée de lui pour suivre le plus beau des Anges. Et celui-ci, de son épée à triple fil, la balafra et la perça neuf fois en décrétant : " Par ces portes on accédera aux labyrinthes de la connaissance, mais peu en reviendront et ceux qui en reviendront sauront qu’il n’y avait d’autre secours en toi que la mort… " Et il inscrivit cette loi dans les marges du Livre.»
* Découvrir Jean-Pierre H. Tétart sur le site de l'Iresuthe : Vallis Clausa. Et pour aller plus loin : le Voyage du chat (Le Temps qu'il fait, 1998) ou la Patience des rochers (Cénomane, 2006).
– On prétend qu'une chaise jetée en l'air retombe toujours sur ses pattes... Je me gausse.
Topa s'interroge et nous avec lui, sur le droit à l'oubli d'Armand Barthet. Il a été devancé par des amis dudit poète – si on peut les appeler ainsi :
« Son œuvre n'est pas de celles qui bravent la morsure du temps. Elle nous fait l'effet de ces fleurettes qu'on dépose un soir de printemps dans un livre aimé. Elles s'y dessèchent lentement [...] »*
De quoi rendre modeste ! L'Armand pourra toujours se consoler avec sa caricature par Nadar.
* Notice sur Armand Barthet (gallica.bnf.fr). Dessin de Nadar (même source)