En première intention, la photo de cette sculpture en cours de réalisation accompagnait l'article d'hier. Finalement, j'ai choisi une illustration qui n'allait pas distraire la lecture.
À l'inverse, la fable de Joseph Poisle-Desgranges pourrait bien faire qu'on s'intéressât moins à mon œuvre. Crâne de blaireau que deux canines en or et diverses choses doivent encore compléter.
LE RASOIR ET LE BLAIREAU
Coquet blaireau, mordant rasoir,
Placés vis-à-vis d'un miroir,
Tour à tour servaient à leur maître.
Le rasoir faisait disparaître
La barbe ou le duvet qu'il trouvait en chemin,
Et le soyeux blaireau, se chargeant sous la main
D'une mousse blanche et durable,
Se complaisait à rendre un menton vénérable.
Tout à coup le rasoir blesse l'homme en glissant.
— Maladroit ! dit en pâlissant
Le blaireau, qui se pose en sage ;
Vois le sang qui jaillit du plus charmant visage,
Et l'effet que produit trop de légèreté.
— Ah ! ne me blâme pas de ma vivacité,
Lui répond l'autre en son langage ;
Si j'avais comme toi flatté sur mon passage,
De mon mérite on eût douté.
Au doux ami qui nous caresse
Et passe sur chaque défaut,
Préférons celui qui redresse
Et tranche parfois, s'il le faut.
Joseph Poisle-Desgranges
Cent et une fables, Paris, 1852
source : gallica.bnf